"De notre navigation commune en Antarctique, je garde une image d’Olivier.
Nous sommes en Mer de Weddel.
Il est seul à l’avant du bateau qui se fraye un passage dans la brume, au milieu de nombreux icebergs.
De sa silhouette engoncée dans le ciré, le visage caché par le passe montagne couvert de givre, on ne distingue que les yeux qui scrutent sans relâche.
Régulièrement ses bras s’agitent comme des sémaphores pour me signaler à la barre, de quel côté se frayer un passage dans ce fouillis de glace.
Je me souviens qu’au fil des heures, qui furent ce jour-là fort longues, ses mouvements ne furent jamais ni brusques d’angoisse, ni lourds de fatigue.
Olivier, comme le marin qu’il est, s’efforçait à la longanimité, cette patience de l’âme qui permet de durer.
Dans le même voyage, Erik Orsenna, que nous avions le plaisir d’avoir à bord, l’avait affectueusement surnommé "Marmar", appellation bien sûr due à son passé d’Officier de la Marine Marchande, mais plus que cela, je pense: une forme d’hommage à une marine où les capitaines parcouraient la planète salée, maîtres de leurs navires et toujours prêts à l’aventure.
D’aventures, il en fut question à longueur des fort longues soirées polaires et l’œil d’Olivier s’allumait à chaque évocation d’un Shackleton, d’un Moitessier ou d’un Charcot.
C’est ce mélange de la prudence du marin, de la curiosité de l’aventurier et de l’homme pétri de culture maritime que je retrouve avec bonheur dans cet ouvrage.
Son vagabondage autour du monde en famille est autant emprunt du souci de préserver les siens et de leur offrir le meilleur de la mer que de celui de naviguer dans les coins les moins fréquentés de la planète, sur les traces de nos grands anciens et pour des navigations exigeantes.
Ce lire est donc à la fois un guide, qui fourmille, pour les impétrants à la circumnavigation, de trucs et astuces, de remarques et de conseils qui aplaniront bien des difficultés, mais aussi un partage de son enthousiasme, de ses espoirs, de ses angoisses et, disons-le, de sa philosophie de la mer et de la vie.
Je sais qu’Olivier a encore devant lui de nombreuses aubes à scruter l’horizon comme il le fit avec moi, qui le réjouiront toujours car la mer ne déçoit jamais ceux qui l’aiment.
Que cet ouvrage continue à être une inspiration pour tous ceux qui voudront tenter à leur tour l’aventure de la grande bleue."
Isabelle Autissier
TOME 1 420 pages/93 photos/3 cartes
Accomplir un jour le tour du monde à la voile compte toujours au nombre des rêves mythiques de l’homme occidental.
Il s’agit souvent d’une œuvre humaine majeure dans la vie de ceux qui l’ont osée. Si cette aventure ne représente plus un exploit maritime, elle reste tout de même une belle entreprise personnelle et familiale aux retentissements imprévisibles et multiples, dont le récit permet d’approcher la réalité, de mûrir un projet similaire, ou simplement de perpétuer le rêve...
Les lecteurs que ce sujet passionne sont nombreux.
En 2009, mon épouse et moi avons fait le choix de quitter nos emplois respectifs et notre vie sédentaire pour partir effectuer un tour du monde à la voile de 3 ans, à bord d’un catamaran prototype reconditionné et allongé à 51 pieds (15,50 mètres). Nous avons embarqué dans cette aventure nos deux enfants, Marin et Adélie, âgés au départ de 11 et 10 ans. Mon fils aîné, Timothée, accaparé par ses études de médecine, est venu nous rejoindre à trois reprises...
Ce voyage de 3 années et 36 541 milles autour du monde nous a emmenés dans des lieux aussi différents que les îles Selvagens, Santo Antao ou Sao Nicolau, les deltas du Siné-Saloum et de la Casamance, les rochers Saint-Paul, les îles du Salut ou l’archipel des San Blas, Panama et les Perlas, les Galapagos, les Gambier et les Tuamotus, Tahiti et Bora Bora, Maupiti et Mopélia, l’atoll de Suvarov, l’île de Niue, et Tofua, aux Tongas. Nous avons, entre mille autres choses, vécu la fête de la Tabaski à Ehidj, fait une escale rare en plein Océan Atlantique, secouru un voilier abordé par des cachalots à l’approche du Brésil. Nous avons pêché malgré nous 7 requins d’un coup dans l’atoll d’Amanu aux Tuamotus, analysé les mécanismes hydrauliques de la passe redoutée de Maupiti, assisté à la mort d’un voilier sur l’île déserte de Kelefesia.
Nous avons retrouvé la grotte refuge du Capitaine Bligh, à Tofua, nous avons nagé avec les baleines à bosses, aux Ha’apai. Impuissants, nous avons été poussés sur un récif de corail par un grain d’une extrême violence, de nuit au mouillage, à proximité de l’îlot désert de Limu Island (Tongas). Mais, seuls, nous avons pu retrouver les eaux saines et, quelques semaines plus tard, nous pédalions, heureux, sur la piste de l’Otago Central Rail Trail. Nous étions parvenus au pays du long nuage blanc. Kia Ora Aotearoa ! La Nouvelle-Zélande, pour un arrêt technique, et une escale verdoyante de 5 mois. Avant…
Avant de reprendre la mer. Laquelle nous réservait, bien sûr, de nouvelles aventures !
TOME 2 446 pages/93 photos/2 cartes
Après une longue escale aux antipodes, la route maritime du retour a cheminé pour nous pendant plus de 18 000 milles via le détroit de Torrès et l’Afrique du Sud. L’île des Pins, le Vanuatu, les Louisiades, le Timor, les îles de la Sonde, Bali, et Christmas… Cocos Keeling et Rodrigues, poussières d’îles isolées, aux mouillages enchantés. Mer Rouge et Canal de Suez ?
Non. Par souci de sécurité, mais aussi du fait des nombreux attraits de la route sud. Alors nous sommes redevenus marins pour négocier un passage délicat au sud de l’Afrique, allongeant des vitesses moyennes de folie dans la veine du courant des Aiguilles... Etrange navigation dans les dunes du désert du Namib. Heureux, nous avons retrouvé le soleil de l’Atlantique Sud et les longues glissades sous les étoiles. Vers Sainte-Hélène et Ascension. Nous avons parcouru les lieux de l’assassinat de Marion-Dufresne dans la Baie des Iles, avons assisté à l’incroyable saut du N’gol à Rangusuksu, bu le kava dans la quiétude du soir à Port-Vila. Nous avons rencontré un serpent agressif, en pleine mer, dans le détroit de Torrès, nous avons côtoyé les varans de Komodo sur l’île de Rindja. Nous nous sommes intéressés à la ligne Wallace à Lombok, et à la dynastie Clunies-Ross aux Cocos. Le plus beau lagon des Mascareignes ? Rodrigues. L’Afrique australe ? La nature y est puissante… L’anémomètre a atteint 65 nœuds au large d’East London. Mais, émerveillés, nous avons approché les grands animaux sauvages du continent noir. Nous avons remonté les côtes arides de Namibie dans le brouillard, au milieu des phoques, jusqu’à Walvis Bay. Ont suivi trois semaines passées à arpenter les hauteurs chargées d’histoire de Sainte-Hélène. Et puis…
Et puis un jour de printemps, après des milliers de milles et des mois de voyage, nous avons recoupé notre sillage océanique, là-bas, quelque part au sud des îles du Cap Vert.
Nous avions atteint notre objectif, nous avions bouclé le tour du monde…
J’ai essayé d’écrire un récit accessible à tous, lecteurs généralistes aussi bien que praticiens de la grande croisière à la voile, et voyageurs de tous poils, hommes et femmes. Le texte décrit sur l’ensemble du voyage la totalité des aspects de la vie à bord, sans jamais insister sur les notions purement techniques de la manœuvre ou de la navigation. Indispensables néanmoins à la présentation des bases du projet, ils figurent essentiellement au début de l’ouvrage, et dans les relations, relativement brèves, des traversées. Mais très vite, le fil du voyage se déroule chronologiquement, et de façon plus fluide. La relation reste compréhensible par tous sans connaissances particulières et s’intéresse, quand l’occasion se présente géographiquement, à l’aspect historique de certains évènements survenus localement. Le tout sans aucune prétention, d’aucune sorte. J’ai régulièrement donné le point de vue de mon épouse (retranscrit à partir de notre blog de voyage), et j’ai fréquemment cité les écrits d’auteurs qui avaient eux-mêmes cheminé sur notre route océanique.
Voyage autour du Monde… reste un récit d’amateur, qui ne recherche pas le style, mais l’authenticité.
Cependant… un tour du monde, c’est long, et il m’a fallu 2 tomes, qui adoptent l’ordre chronologique du périple. Je n’ai pas voulu supprimer d’escales sous prétexte de raccourcir le récit. Je tenais à tenter de transmettre l’image la plus fidèle possible de ce que peut être l’ensemble d’un tour du monde.
Aucune « ligne éditoriale » donc, le simple fil du voyage, et celui de ma modeste pensée.
Le premier tome couvre la préparation du projet et le départ de La Rochelle, puis le voyage jusqu’à notre séjour de plusieurs mois à terre en Nouvelle-Zélande. Le second débute avec le réarmement du bateau à Marsden Cove, pour parcourir l’itinéraire retour jusqu’au port de La Rochelle, terme du voyage.
J’ai volontairement évité de donner un angle d’approche restreint à ce récit, pour décrire l’ensemble des aspects d’un voyage de cette ampleur. C’était mon objectif.
En quelque sorte, il a été de répondre à la question : à quoi ressemble un tour du monde à la voile des années 2010, réalisé en famille ?
Ce récit n’est surtout pas un guide nautique de voyage. Il en existe de très bons. Il n’a aucune autre ambition que celle de laisser une trace éphémère de ce périple, que le temps et la mer se chargeront de dissoudre rapidement, sauf dans notre mémoire familiale et dans celle de nos amis de rencontre.
Je l’ai d’abord écrit pour que mes enfants se souviennent de ces moments exceptionnels.
Comme une sorte d’héritage moral que je souhaitais leur laisser.
Notre monde fléchit sous le nombre sans cesse croissant des réglementations, des normes, des obligations, des contraintes et des restrictions. La croissance et la consommation ne me passionnent pas. La planète va mal. Et l’autisme fait rage.
Puisse ce voyage leur avoir suggéré que la vraie vie se développe plutôt dans la liberté de pensée, l’autonomie, l’engagement, l’économie et la responsabilité.
J’espère que ce livre donnera à ceux qui hésitent encore à se lancer l’envie d’entreprendre leur propre aventure.
Quelle qu’en soit l’issue, il n’y a guère à envisager de regrets d’avoir tenté l’échappée belle.
What shall we leave behind us?
Il y a urgence à vivre. Le temps presse. La vie est un privilège.
Que des vents favorables vous y accompagnent !
Olivier MESNIER